Jacques-Antoine DELEVAUX : photographier la planète sans retouche
Jacques-Antoine Delevaux est un photographe engagé. Breton d’origine, il dénonce depuis 15 ans la pollution marine grâce à ses photographies prises en mer et sous-marines. Dans cette interview, il revient sur son parcours et sa collaboration avec de grands noms, son engagement environnemental et social et adresse ses conseils avisés aux jeunes photographes lancés dans ce métier passionnant mais néanmoins difficile !
1 – Qui est Jacques-Antoine DELEVAUX ?
Un homme qui est arrivé en 2003 à Paris pour faire de la photographie après avoir tout lâché (vie professionnelle comme ma vie personnelle). J’ai commencé comme assistant photographe, ce qui m’a rapidement fait voyager auprès de grands photographes. Au cours de ces douze années en tant qu’assistant photographe, je me suis spécialisé dans la lumière, qui est aujourd’hui ma valeur ajoutée.
Cette spécialisation m’a permis d’ouvrir mon horizon professionnel et de décrocher des contrats avec des agences de presse, mais également des personnalités. La première personne qui m’a fait confiance est Chantal Thomass, une grande référence dans la lingerie féminine avec qui j’ai collaboré pendant sept ans.
J’ai ensuite travaillé avec des réalisateurs au cinéma, en tant que photographe de plateau. Aujourd’hui, je me fais connaître en réalisant des portraits de personnalités (Chantal THOMASS, Pierre MENES, Mathieu DELARIVE, Darren TULETT, Jean-Marie BIGARD et dernièrement Paul WATSON).
Aujourd’hui, j’aime travailler autour de l’humain, de ses valeurs, de sa singularité et de la mise en avant de la valeur ajoutée d’une personne. Pour cela, j’aime m’entourer d’une équipe de professionnels de l’image (assistant, maquilleur/coiffeur, styliste, etc.).
2 – En parlant de célébrité, comment développe-t-on sa notoriété en tant que photographe ?
C’est d’abord le réseau et les rencontres qui créent des opportunités professionnelles dans l’univers de la photographie. J’ai en effet pu réaliser mes premiers portraits de personnalités parce qu’une porte s’était ouverte à moi en allant à la rencontre de nouvelles personnes. C’est notamment le cas de Chantal Thomass.
Pour me faire connaître, je me rends régulièrement à des événements où mes prospects se rendent. Dans un milieu très concurrentiel, si on est pas actif, on ne travaille pas. Quand on travaille dans le milieu de l’image, il faut être un bon communiquant pour être en adéquation avec ce que l’on vend. Plus généralement, en tant qu’entrepreneur, il faut communiquer pour se faire connaître. C’est pourquoi, il est impératif d’interagir avec son milieu.
J’engage également des démarches personnelles pour contacter mes prospects, notamment pour couvrir des événements. Il arrive également que des agences de people me contactent pour des missions dans un nouvel univers. Si on est proactif, on rentre dans un cercle vertueux !
3 – Comment affirmes-tu sa singularité dans ton travail ?
J’ai un regard assez singulier sur les portraits : j’aime le noir et blanc et j’ai longtemps travaillé sur de la Scala 200 de chez Agfa (qui a disparue) mais j’aimais particulièrement le grain et la matière de cette pellicule. C’est pourquoi, j’ai travaillé pendant plusieurs mois pour retrouver le même effet en support numérique. Grâce au numérique, j’ai réussi à la transformer et à m’approcher du résultat qu’elle donnait.
Ce que j’aime avec le portrait, c’est que j’arrive à capter un regard, un instant T et même des émotions dont les modèles ne sont pas conscients ! Dans les portraits, je ne retouche aucune photo. C’est important pour mon sujet qu’il puisse se regarder tel qu’il est dans le portrait que je lui rends. Retoucher c’est mentir à soi-même. Je peux certes effacer un petit défaut de temps à autre, mais retoucher comme j’ai pu le faire en tant qu’opérateur numérique ou retoucheur quand je travaillais pour de grands photographes par le passé, je ne souhaite plus le faire.
La singularité des rides chez une personne âgée, par exemple, c’est beau. Dans ce cadre, j’ai photographié l’un des plus vieux marathoniens français, sans artifice aucun.
4- A côté de ta collaboration avec des grandes marques, tu as également un engagement environnemental pour la protection de la planète qui se traduit à travers tes photos. D’où vient cet engagement environnemental ? Et comment se traduit-il dans ta photographie ?
Ma sensibilité pour l’environnement vient d’abord du fait que je suis Breton d’origine, et que j’ai grandi au bord de la mer. je suis sensible à la question de la pollution des mers et des océans. C’est le cas dans l’ostréiculture que je connais bien car j’y ai travaillé et j’ai vu les dégâts causés par les parcs ostréicoles (envasements sur la zone d’exploitation et les alentours des parcs voir dans des baies entières, appauvrissement des sols et de la faune et de la flore) et des conséquences dramatiques de l’abandon des filets et des casiers des pêcheurs.
Je suis également plongeur, j’ai navigué en bateau mais je suis également allé sous l’eau et c’est là que j’ai pu constater les dégâts de l’humanité sur son environnement au quotidien : de la canette de Coca à la bouteille en verre en passant par l’industriel qui jette ses produits.
Depuis plusieurs années, nous avons récolté des tonnes de déchets dans les fonds marins dans le club de plongée où je suis encadrant-instructeur pour les formations N1 et baptême de plongée et initiateur à la biodiversité marine. Nous partons avec plusieurs bateaux, des sacs et plongeons sur des sites pour nettoyer certaines zones de déchets sous marins (bouteilles en verre, morceaux de filets de pêche, casiers de pêche, moteur de bateaux, etc.).
En travaillant autour des produits de la mer avec un poissonnier, j’ai vu ce qu’il restait des poissons après le prélèvement des filets. Ces prélèvements montrent ce qui a été rejeté en mer ou dans des circuits de collectes d’ordures ménagères. Dénoncer le gâchis alimentaire et la sur-pêche est mon acte militant pour essayer de préserver une région que j’aime, la Bretagne mais aussi l’océan et la mer qui bordent celle-ci. C’est à nous d’agir pour notre planète !
“J’ai voulu travailler sur le sujet du gaspillage alimentaire et de la sur-pêche à travers une série de nature mortes mettant en valeur les déchets de poissons que nous trouvons dans nos étales de poissonnerie.”
Les particuliers comme les professionnels ont leur part de responsabilité dans les déchets marins. A Paris, je constate le même problème dans mon quotidien sur le plan fluvial avec la montée des crus de la Seine qui a révélé deux mètres de hauteur de plastique. Ceci est la partie visible de l’Iceberg pour cette pollution fluviale. Le gros problème reste aujourd’hui que les citoyens ne ne prennent pas conscience du fait qu’ils polluent leur environnement au quotidien.
Mon engagement s’est construit au fur et à mesure des années et des déchets : je réalise depuis maintenant quinze ans des photos sous-marines et je travaille avec des professionnels engagés dans l’environnement.
Depuis quinze ans, j’ai vu des milieux se transformer : J’ai découvert par le passé des sites vierges et voir leurs changements cinq années plus tard en les retrouvant totalement dévastés, victime d’un envasement (une pollution avérée).
Aucune taxe n’est fait pour ces professionnels qui se font de l’argent.
Aujourd’hui je réalise principalement des photos de déchets marins pour sensibiliser le grand public à cette cause environnementale. La transparence fait partie de ma touche personnelle pour dénoncer ces comportements humains.
Je travaille avec des organisations environnementale pour permettre aux citoyens de prendre conscience de notre impact sur la planète. C’est pourquoi, je veux montrer ce qu’on pourrait faire pour changer l’environnement au quotidien : la consigne de verre est un très bel exemple !
5 – Tu as également un engagement pour soutenir le handicap, peux-tu en parler ?
J’ai eu un accident en 2005 qui m’a coûté plusieurs semaines en fauteuil roulant et des mois de rééducation. C’est à ce moment que j’ai réalisé que l’accessibilité n’est pas pour tous et en tout lieu. J’ai voulu le démontrer en photo et dans des actions avec des amis handicapés.
Suite à cela, un projet a mûri et je souhaite réaliser documentaire et une exposition sur le regard sur le handicap. Plusieurs personnes ont répondu présentes pour le projet et maintenant il me faut trouver les financements pour pouvoir le réaliser.
Je me fixe comme objectif de le présenter pour Paris 2024, car je compte mettre en avant la dimension sportive du handicap.
Dans ce cadre, je travaille avec des associations et sportifs comme Michael JÉRÉMIASZ mais aussi Ryadh SALLEM, Ismaël GUILLIORIT et Jean-Baptiste ALAIZE.
Avant cela, j’aimerais communiquer avant auprès des écoles, et surtout des enfants pour faire changer les mentalités et les regards à partir de 2020.
6 – Des conseils pour les jeunes photographes qui débutent ?
L’âge d’or de la photographie avec l’argentique s’est terminé dans les années 90-2000. Le numérique a pris sa place majoritairement à partir de 2005. La photographie est un art qui a toujours été abandonné des pouvoirs publics : il n’y a aucune réglementation sur les tarifs, et nous sommes en concurrence avec des startups qui cassent les prix pour fait du chiffre mais sans soucis de produire un travail qualitatif. Ces circonstances dévalorisent le métier de photographe. Tous les jours, de nombreux photographes mettent la clef sur la porte.
Les jeunes photographes arrivent avec une connaissance de la nouvelle technologie, ce qui est un avantage par rapport à leurs ainés. Et paradoxalement, je pense que tout jeune photographe doit commencer par apprendre les techniques de l’argentique pour comprendre son métier.
N’oublions pas non plus que nous sommes à l’ère du numérique « gratuit ». Les photographes sont en concurrence avec les smartphones et les publications instantanées sur les réseaux sociaux. Il faut donc savoir s’adapter pour survivre. Mais à quel prix !!
Le problème majeur aujourd’hui est que les jeunes photographes se vendent au rabais pour décrocher leur premier contrat. Les clients s’habituent donc à des tarifs très bas. Pour se respecter en tant que photographe et respecter la photographie, il faut refuser de se brader !
En 2018, c’est compliqué de dire à un jeune photographe « tu peux en vivre ». Pour en vivre, il faut trouver sa niche avoir une spécialisation très forte avant tout, et surtout savoir vendre sa touche personnelle.
Pour finir, je dirais que c’est à nous, photographes de défendre notre métier en étant solidaire. Or aujourd’hui notre problème est que nous ne savons pas nous mobiliser pour sauver notre métier.
7- Où peut-on te trouver ?
On peut me retrouver sur mon site internet , mon compte Instagram et ma page Facebook.
Vous pouvez aussi m’appeler pour prendre rendez-vous ou pour une prise de vue, j’en serai ravi !
Je vends des tirages d’art numérotés et signés (paysages, portraits, ambiances, nature morte) mais aussi et surtout les portraits que je réalise.
Par ailleurs, je cherche un lieu d’exposition pour une prochaine exposition sur le handicap, et je suis ouvert à toutes proposition !
?Et si tu veux parler entrepreunariat, je te propose qu’on s’appelle ?
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !