Rebecca Sfedj : la multipotentialité au service de l’entrepreneuriat social
J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Rebecca Sfedj, une jeune entrepreneure slasheuse et multipotentielle. Après s’être longtemps sentie handicapée de ne pas avoir trouvé sa voie, Rebecca a décidé d’être heureuse pour apprendre aux femmes et aux hommes à l’être à leur tour.
Conférencière, formatrice, coach et co-fondatrice des associations NOISE et Coexister Paris-Nord, Rebecca se nourrit d’influences positives pour devenir à son tour leader d’opinion. La richesse de son parcours, ses engagements associatifs, sa rencontre avec l’entrepreneuriat social et sa foi en l’humanité sont des sujets sur lesquels nous avons échangé pendant près de deux heures de conversation téléphonique.
Cet interview est donc la retranscription d’un échange passionnant entre deux entrepreneuses du changement.
1- Coach, entrepreneure, conférencière, co-fondatrice de deux associations (Noise et Coexister Paris-Nord), comment te présenterais-tu?
Excellente question ! J’ai beaucoup de mal à me présenter et me définir par mon métier, parce que j’ai beaucoup de casquettes, qui ne sont pas forcement comprises de tous…et un jour j’ai trouvé un terme pour me définir qui est le terme de slasheuse !
Une slasheur c’est quoi ? Une personne qui concilie différents emplois. Dans mon cas, c’est par passion et envie d’avoir des identités multiples. Aujourd’hui je me retrouve beaucoup dans cette identité de slasheuse entrepreneuse, avec différentes casquettes :
- Je suis coach en développement personnel et professionnel
- Conférencière pour des sujets très divers, notamment liés à l’ESS, l’innovation sociale, l’entrepreneuriat, l’interreligieux et le vivre ensemble
- Formatrice en intrapreneuriat
A coté de ces trois casquettes professionnelles, je me définis également comme une Project leader, en développant des projets et des communautés ;
Ma première communauté a été Cheer Up, une association inter-écoles qui accompagne des jeunes malades du cancer à réaliser des projets personnels. Mon rôle à Cheer Up a été d’aller voir ces jeunes malades et les aider à rester motivés et à se connecter à leurs envies pour pouvoir créer des projets de vie qui les gardent motivés dans la lutte contre la maladie . Déjà à l’époque, je coachais sans m’en rendre compte.
Après être restée quatre ans à Cheer Up, j’ai eu envie de créer ma propre fédération associative en gardant l’idée d’accompagner les jeunes dans leur développement personnel mais avec l’envie d’instaurer une gouvernance plus collaborative, et c’est dans ce cadre que j’ai cofondé l’association NOISE (Nouvel Observatoire de l’innovation Sociale et Environnementale), au sein mon école*. Le NOISE a pour but d’aider les jeunes à trouver leur voie et mobiliser leurs talents dans des projets sociaux et environnementaux. L’association existe depuis maintenant six ans grâce à mes co-fondateurs Maëva Tordo et Pierre-Alexis L’Ecuyer, ainsi qu’aux 500 étudiants de nos huit écoles qui créent le Noise aujourd’hui.
Aujourd’hui, j’anime une autre grande communauté, Coexister, qui est un mouvement inter-convictionnel de jeunes croyants et non-croyants, pour le vivre ensemble. Nous oeuvrons à la cohésion sociale par le biais de trois piliers : le dialogue inter-convictionnel, les actions de solidarité, et les ateliers de sensibilisation en milieu scolaire pour déconstruire les préjugés identitaires et sensibiliser à la laïcité dans le contexte français.
2- En tant que coach, comment accompagnes-tu les individus dans la conduite du changement ?
Aujourd’hui, je me forme au coaching par les neurosciences, et parallèlement, je coach en individuel sur des thématiques de développement personnel et professionnel en aidant les personnes à trouver leur vocation et construire une voie tout au long de leur vie. Pour cela, j’utilise les canaux de l’estime de soi, du leadership entrepreneurial, de l’orientation, de l’équilibre de vie et de l’excellence relationnelle.
J’aime beaucoup coacher des personnalités shasheuses comme moi et arriver à les aider à concilier plusieurs casquettes. J’aime aussi coacher des profils entrepreneuriaux et qui prennent des initiatives, et enfin des personnes engagées à œuvrer pour un monde meilleur.
« Mon axe directeur c’est d’apprendre à m’aimer et à me réaliser pour aider les autres à en faire de même »
Je propose aussi du coaching collectif en participation consciente pour permettre à tout le monde de participer. Pour cela, je guide les participants dans leur introspection grâce à la force de l’intelligence collective. Cette méthode leur permet de poser des intentions claires sur leur avenir et les traduire en action à mettre en œuvre eux-même pour mener une vie qui leur correspond et les inspire. L’idée c’est de leur permettre d’être proactifs dans le pilotage d’une vie qui leur correspond ! Mon axe directeur c’est d’apprendre à m’aimer et à me réaliser pour aider les autres à en faire de même.
3 – Comment en es-tu venue à travailler dans l’ESS ? Quelle a été ta formation initiale ?
J’ai longtemps été perturbée par le fait de ne pas savoir ce que je voulais faire dans la vie. Je le vivais comme un handicap. C’est pourquoi j’ai essayé de m’ouvrir le plus de portes possibles pour ne pas avoir à choisir. Au lycée, j’ai donc choisi de faire un BAC S pour poursuivre une licence d’économie et de gestion à Paris Dauphine, une filière très généraliste ou je touchais à tout (maths, sociaux, économie, gestion et langues…)…et pourtant j’ai eu du mal à trouver du sens au début de mes études qui manquaient d’humain, d’action et d’impact.
« Je suis tout de même reconnaissante au système éducatif français qui est certes, défaillant, mais qui a le mérite d’être abordable et créateur d’opportunités et de liens sociaux à qui se responsabilise dans son parcours »
Par ailleurs, j’ai trouvé beaucoup de ressources dans le paysage associatif qui m’a ouvert les portes de l’Economie Sociale et Solidaire, sans pour autant penser à en faire un métier.
Mais en Master, j’ai découvert l’entrepreneuriat social, qui m’a permis d’associer mes compétences en gestion à mon intérêt pour l’impact social. Et à ce moment là, je me suis dit « attends c’est possible de concilier les deux et personne n’est au courant dans mon école et personne ne nous l’apprend ! »
C’est à ce moment que j’ai crée le NOISE, une école de l’innovation sociale pour être un intermédiaire de qualité entre le monde de l’ESS et l’Ecole.
En parallèle de la création du NOISE, j’ai fait une année de césure pour tester de nouvelles expériences et savoir quoi faire dans ma vie tout en restant très ouverte au domaine de l’éducation et de la formation. J’ai donc entrepris une expérience dans le conseil dans l’Enseignement Supérieur en France, puis une autre expérience dans une ONG spécialisée dans l’empowerment pour l’égalité Homme/Femme en Israël, une mission à l’Ambassade de France aux Etats-Unis sur la coopération Franco-Américaine et une expérience de bras droit d’entrepreneur dans la startup sociale On Purpose qui accompagne les reconversions de carrières dans l’économie positive.
Toutes ces différentes expériences m’ont fait comprendre que ce j’ai préféré, c’était de créer mon association (le NOISE) et rassembler des citoyens autour d’une vision commune et de mettre en place un environnement dans lequel ils prennent plaisir à se développer, à développer leurs projets et à devenir la meilleure version d’eux-mêmes.
« Pour avoir plus d’impact et de plaisir, je m’entoure moi-même de gens meilleurs que moi dans leur domaine et c’est ce qui rend les projets sur lesquels on oeuvre ensemble extraordinaires ! »
Forte de ces expériences , j’ai choisi de poursuivre mes études avec un Master 2 en entrepreneuriat à Dauphine (Oui oui j’ai fini par réussir par être passionnée par mes études !!) et un stage de fin d’études chez Ticket for Change. J’ai trouvé l’expérience dans cette jeune startup très inspirante, et j’ai appris énormément aux côtés de l’équipe.
4 – Et après les études, l’entrepreneuriat ?
Après deux ans de poste, je décide de devenir à mon tour entrepreneure du changement ! Et même si j’ai accompagné tous ces entrepreneurs depuis le début de mon cursus, me lancer à mon tour était une chose qui me faisait peur !
Pour finir mon cursus très porté sur l’éducation, je trouve mon premier poste dans une école en devenant responsable de l’entrepreneuriat étudiant à ESCP Europe, qui m’a également permis d’accompagner les acteurs du changement.
« Pendant longtemps je n’ai pas osé me lancer parce que j’étais amoureuse d’initiatives comme So Many Ways ou Switch Collective ».
Et c’est en recevant de plus en plus de demandes par messages et par mail, que j’ai compris qu’il y avait un besoin en accompagnement, et qu’il était temps pour moi de proposer une solution à ma façon.
A l’aide de mes différentes casquettes de coach/conférencière/formatrice, j’ai le projet de vouloir créer un incubateur de talents pour aider les jeunes à construire leur vocation tout au long de leur vie en étant accompagnés par une communauté d’entraide de coachs, formateurs, mentors et conférenciers. Cette équipe d’accompagnateurs permettra aux jeunes talents de baigner dans le bon écosystème pour se réaliser. L’idée est de leur permettre de créer un lien entre le développement de leur talents et les besoins du monde.
5- Aujourd’hui, après 5 années d’études, on a l’impression de ne toujours pas savoir ce qu’on veut faire de sa vie et de ne pas avoir exploité son potentiel. On se retrouve finalement à faire un job qui ne nous plait pas ou de faire un travail d’introspection professionnel. Pourquoi est-on si mal orientés en 2018 ?
J’ai longtemps été très en colère contre l’éducation française. Et cette colère m’a fait du bien. Travailler dans une école m’a permis de prendre du recul par rapport à cette colère, en voyant comment fonctionnait réellement le système de l’intérieur : des contraintes quotidiennes financières, politiques et managériales peuvent freiner les meilleures intentions tout comme l’expertise, la réputation et le réseau peuvent accélérer les ambitions et l’impact.
« J’ai longtemps été très en colère contre l’éducation française »
Mais le problème de l’école c’est qu’elle ne nous apprend pas à être heureux, ni à comprendre les mécanismes du cerveau et des neurosciences qui sont responsables de notre bonheur. On n’apprend pas non plus à communiquer, à collaborer et à vivre ensemble…il y a tellement de choses essentielles à transmettre que tout ne peut pas reposer sur le système éducatif dans l’immédiat .
Je ne veux pas déresponsabiliser l’école, mais plutôt que de se focaliser sur la colère, je pense qu’il vaut mieux dépenser son énergie à des choses plus constructives comme chercher des réponses à ses questionnements et aller vers les structures qui peuvent nous y aider. C’est pour ça que je crée mon nouveau projet d’incubateur de talents que je vois comme un complément nécessaire à l’école traditionnelle.
6 – Dans une conférence TEDx en 2015, tu disais que tu n’avais pas trouvé ta voie, aujourd’hui à 26 ans, est-ce le cas ?
Oui et non. Je suis très alignée avec moi même avec mon métier de coach, en étant capable d’aider les gens à prendre confiance en eux et à atteindre leurs objectifs. Je considère ça comme un véritable pouvoir magique !
Mais ma vocation sera probablement amenée à évoluer car j’aurais sûrement envie de développer mes connaissances et compétences. Par ailleurs, étant très active, je me pose des questions par rapport à mon rythme : est-ce que je ne fais pas trop de choses ? Quand et à quoi renoncer ?
Aujourd’hui mon job, c’est d’être heureuse pour apprendre aux autres à être heureux. L’objectif de mes journées c’est d’apprendre comment le cerveau fonctionne, apprendre les mécanismes du bonheur et les transmettre. Pour moi être coach fait complètement sens.
Je n’aime pas l’idée de comparer la vocation à un pseudo bonheur fantasmé. Le bonheur, c’est la bonne heure. C’est à dire, que c’est un état de quiétude à un moment donné. A trop se projeter, on risque de passer à côté du moment présent. Ce qui compte, c’est le moment présent car le passé n’existe plus, le futur est virtuel.
Pour moi, la vocation n’est pas une destination mais un chemin qui me permet de me rapprocher pas à pas de ma juste place : devenir toujours plus qui je suis vraiment et contribuer à ma façon, là où j’ai le plus de plaisir et d’impact.
Pitch de Rebecca à TEDx EM Lyon (décembre 2015)
7 – Quelles sont tes inspirations et sources d’énergie pour mener tous ces projets de front ?
Très honnêtement ma première source d’inspiration ce sont mes proches. J’ai une motivation sociale et c’est d’ailleurs pour cela que je veux créer une communauté.
Il paraît que notre monde extérieur est le reflet de notre monde intérieur, donc plus je suis alignée avec moi-même et plus j’attire des gens inspirants et plus je deviens à mon tour inspirante. C’est un cercle vertueux ! J’organise ma vie pour que tout devienne une source d’inspiration.
Ayant un emploi du temps extrêmes organisé (à trois mois), je planifie mes plaisirs (voir mes proches, faire de la danse) et j’essaye de conserver des moments plus spontanés pour improviser ma vie. J’ai également un rituel de méditation chaque matin pour me connecter à de la reconnaissance. Je fais de plus en plus attention à mon rythme de sommeil.
J’ai également pris la décision de m’entourer de mentors et appris à demander de l’aide, ce qui m’apporte un soutien énorme au quotidien. Je m’inspire aussi beaucoup de Role Models, des personnes auxquelles je m’identifie et que j’admire pour leurs valeurs, leurs personnalités, leurs parcours et leurs projets. Les grandes personnalités qui oeuvrent pour des changements systémiques pour la paix et la liberté telles que Gandhi ou Martin Luther King sont inspirantes. Cela dit, ça me paraît trop lointain, trop ambitieux. Plus récemment, mes coups de coeur vont vers Sheryl Sandberg et Simone Veil qui m’impressionnent de leur courage et de leur engagement. Cela dit, ce sont des célébrités qui ont un niveau d’impact et d’ambition auquel je ne peux pas encore aspirer dans l’immédiat.
“Ils m’aident chacun à leur façon à faire les petits pas pour poursuivre une ambition modérée plutôt que d’être découragée et immobilisée par une ambition démesurée et inadaptée “
Tout comme je reçois beaucoup de mes Role Models et de mes mentors, j’aspire à redistribuer modestement mes inspirations et apprentissages à mes communautés pour leur permettre à leur tour d’inspirer d’autres à leur façon.
8 – Des projets à venir ?
J’ai une opportunité de développer une nouvelle forme de journalisme, en tant que responsable de la rubrique Entrepreneuriat Social d’un nouveau magazine d’entrepreneuriat « Terra Incognita », porté par un initiateur avec qui j’accroche beaucoup.
On m’a également proposée d’intervenir dans une radio juive pour porter des sujets de développement personnel et d’innovation sociale.
Le journalisme est vraiment un sujet qui m’intéresse, notamment par le biais d’un format vidéo.
J’ai d’ailleurs commencé à réaliser des vidéos du style « marcher-parler » que je poste sur les réseaux sociaux et sur lesquelles je partage mes apprentissages de vie : le lâcher prise, la vulnérabilité … ces vidéos ont énormément d’impact sur la vie des gens et c’est grâce à elles que j’ai réalisé que je pouvais apporter une valeur ajoutée et des compétences en matière de coaching, notamment grâce au grand nombre de sollicitations et demandes qu’elles ont générées. Une chaine Youtube est dans les tuyaux !
9 – Un conseil pour des futurs entrepreneurs sociaux ?
Si je devais donner un seul conseil ce serait : prendre soin de soi pour prendre soin des autres.
Quand on est un entrepreneur social, qu’on veut changer le monde et aider les autres, on a tendance à vouloir donner énormément, mais à s’oublier. Or, c’est vraiment en prenant soin de soi, en se faisant plaisir qu’on peut ensuite trouver l’énergie et la générosité dans ses actions pour les autres.
« Soyez égoïste »
Alors soyez égoïstes (et non égocentrique). Pensez à vous ! Pour avoir une bonne estime de soi, il faut respecter ses besoins. C’est en vous respectant et en étant égoïste que vous arriverez à être altruiste et à aider d’autant plus de personnes. Et ça c’est souvent contre intuitif et on l’oublie beaucoup !
Si vous n’y arrivez pas, faites vous coacher ! Il faut savoir que 80 % de nos pensées d’aujourd’hui sont les mêmes qu’hier et 80% des pensées de demain sont les mêmes qu’aujourd’hui. C’est pourquoi un coach peut vous poser des questions qui vont vous permettre de penser autrement et de renouveler vos pensées !
Pour ma part, je vous souhaite de construire une vie en accord avec vos aspirations personnelles et les besoins du monde. Au plaisir d’y contribuer à mon échelle 🙂
10- Où peut-on te trouver ?
Pour du coaching collectif ou des conférences, vous pouvez voir mes dates d’intervention ou m’en proposer de nouvelles sur ma page Facebook Rebecca Sfedj – coach et conférencière (première fois que je la communique depuis sa création ! ). Vous êtes les bienvenus sur ma chaine Youtube ou je charge les vidéos de mes conférences. Je suis également présente sur Linkedin, Instagram et Twitter !
Je suis peu disponible mais très accessible ! Et je réponds plus facilement si vous précisez l’objet de votre demande dans vos messages…alors à bientôt 🙂 Très belle continuation à tous !
?Et si tu veux parler entrepreunariat, je te propose qu’on s’appelle ?
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